lundi 15 mai 2017
Six cent ans dans la peau d’un esclave
Pendant presque 600 années consécutives, à partir de 1442, les européens (les portugais en premiers) qui s’étaient détachés du servage pensèrent à l’homme noir comme substitut aux indiens d’Amérique. Dès lors, plusieurs millions de noirs, hommes, femmes et enfants furent capturés, chassés, vendus et achetés comme des marchandises destinées à féconder les terres des colons dans les îles …..Il fallait bien que le sucre soit produit ! C’est donc à ce prix (merci Voltaire) que les européens mangèrent du sucre, fumèrent et chiquèrent du tabac pendant des siècles. En échange, les nôtres (rois, chefs, pères de famille), appâtés par des produits désormais nécessaires pour eux : verroterie, armes à feu, liqueurs, tissus, etc chassaient et livraient tribus rivales, frères, sœurs et fils. Sur les sentiers sciant la forêt africaine, tout comme sur les bateaux négriers, les esclaves noirs étaient transportés dans des conditions déplorables. Il fallait dans un minimum d’espace faire tenir un maximum de marchandise vivante, pensante et croyante. Le taux de mortalité étant de 10 % à 20 %, avec des pics à 40 %. Ceux qui mourraient en mer étaient jetés par-dessus bord. Ceux qui parvenaient à destination connaissaient un autre enfer sous les coups de fouets, qui nuit et jour punissait les captifs.
L’histoire est bien connue, je ne vous ferai pas l’injure de vous l’apprendre. Cependant, qui de nous saura jamais ce qu’est le poids des chaînes, la morsure brûlante des fers dans la chair, le bâillon à l’armature de fer destiné à empêcher la voix des esclaves rebelles de sortir de leur gorge. Mais par-dessus tout, comment raconter la douleur de se voir ramener au rang de bête, dépouillé de tout honneur, de toute dignité, abandonné du ciel et des hommes.
L’esclave ne possédait rien, ni femme, ni enfant et lui-même ne s’appartenait pas. La femme esclave moins que jamais ne possédait pas son corps ni les fruits de son corps. La fierté de l’homme nègre s’est courbée devant la loi du plus fort, non seulement physiquement, mais aussi moralement. Combien de fois ne durent-ils appeler à la rescousse un Dieu qui lui-même semblait les avoir abandonnés…
Le Pape Nicolas V légalisera bien vite la première vente d’esclave de la traite transatlantique qui eut lieu en 1444à Lagos (ville du Portugal) et Louis XIV, soucieux de son titre de roi soleil, commanda la rédaction de l’ignominieux et hypocrite document destiné à donner un semblant de justice et d’équité à ce commerce ; document connu sous le nom de Code Noir. Un document destiné à montrer une image des français soucieux de l’humanité où hypocrisie et contradiction flagrante font rire et pleurer à la fois le lecteur.
Ce jour décrété par l’ONU comme la journée internationale de souvenir des victimes de l'esclavage et de la traite transatlantique fait partie des nombreux jours destinés à se rappeler les héros connus ou méconnus, les victimes, leurs vendeurs, acheteurs et exploiteurs.
Souvenons-nous
À travers les multiples mémoriaux jonchant la planète : l’Arche du retour à l’ONU, la Porte du Non-Retour à Ouidah au Bénin, le mémorial de l’esclavage à Zanzibar, la liste est longue.
Mais c’est dans nos cœurs et nos esprits que le souvenir se doit de rester vivace. Nous avons vendu et avons été vendus. Nous avons été chassés et capturés. Nous avons été achetés. Nous avons été torturés, violées, mutilés, au nom du développement d’autres nations.
Je pense à nos pères et frères esclaves. Je pense à nos mères vendues. Je m’imagine et j’écoute la chanson éwé : « Je viens de Tchamba. J’ai presque oublié ma langue. Et personne ici ne la parle. Je viens de si loin… Je viens de Tchamba… ».
A suivre
Ariane Abla Adjolohoun
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