lundi 15 mai 2017

Les histoires d’amour entre la République du Bénin et ses présidents…ou les unions sulfureuses




                                De la classique lune de miel à la classique lune de fiel…




Il y a quelques mois, dans le dispositif d’attente d’une institution privée, un débat venu de presque nulle part s’échoua sur le terrain politique. Nous étions en mai 2016 et le Bénin fut vanté comme un pays particulier où les citoyens avaient toujours le dernier mot sur leurs dirigeants, contrairement à d’autres pays voisins. Quelqu’un mit l’accent sur le fait que le président sortant et sorti ne faisait plus l’affaire et qu’à coup sûr, le choix du nouveau président Talon était le bon. Trouvant la remarque trop flatteuse, je lui répliquai : « Les béninois savent très bien ce qu’ils attendent de Talon ; son élection n’est pas une finalité ; il peut s’avérer ne pas être le bon. Et si il lui prenait de jouer au même jeu que le précédent, alors, comptez sur ce même  peuple pour lui botter le derrière et le renvoyer d’où il vient en réclamant à cors et à cris son ancien challenger ». Une femme (ressortissante d’un pays voisin) rétorqua : « Oui mais, est-ce bien de changer autant de président ? Vous les béninois, vous aimez trop les palabres ». A quoi je répliquai : « D’abord, Madame, un président, ce n’est pas pareil qu’un époux. Changer de président ne revient pas à se prostituer. Et d’ailleurs, ce changement est prévu par la constitution. Nous aimons peut être les palabres, mais cela permet aux tensions de s’écouler plutôt que de se cristalliser et d’exploser». Je mis ainsi fin au débat dans lequel je m’étais lancée en bonne fille du peuple (peu importe lequel), sans savoir que le ‘’bottage’’ de cul (pardonnez moi ma crudité) n’attendrait pas des années pour arriver.
 Mais en réalité, cette dame avait bien raison dans une mesure relative ; car il s’agit bien d’un mariage, mais un mariage à durée déterminée, précise et prévue par la Constitution. Et qui parle de mariage parle de raison ou d’amour. Et quand l’amour ou la raison déserte cette union, on assiste au réveil brutal de la Belle au Bois Dormant….

 C’est comme presque toujours l’histoire de la princesse qui épousa un crapaud. Seulement que dans ce cas, la métamorphose du cher époux se fait à l’envers : prince d’abord, crapaud ensuite. C’est l’histoire désormais récurrente entre le peuple béninois et ses élus à la magistrature suprême. Mais à dire vrai, le mariage Bénin-Patrice aura eu une lune de miel  la plus courte; juste quelques mois de « je t’aime à la folie » et il n’est « plus du tout » question d’amour. Nicéphore, Yayi et même le vieux K (paix à son âme) auront mieux fait. Car en effet, il est bien question d’amour dans le processus démocratique. Un jour, le père (Pouvoir Législatif) déclare que la place de prince héritier (Président) sera accordée à celui qui aura su séduire sa fille (le Peuple). Et dès lors, commence le ballet des prétendants ; chacun vantant haut et fort ses mérites, réels ou supposés ; chacun y allant de toutes tactiques plus ou moins honnêtes pour décrocher le cœur de la belle. A chaque ballet amoureux, un nouveau visage se dresse, plutôt nouveau dans le paysage politique et séduit la princesse en mal d’exotisme. Car ce qui est nouveau a toujours tous les attraits, n’est ce pas ? L’exotisme était au rendez-vous de cette campagne matrimoniale ou présidentielle, si vous le voulez. Le candidat le plus exotique aura néanmoins été balayé pour cause d’accointances avec un parent trop local. Ainsi, le brave Patrice, tel Paris séduisant Hélène a enlevé le cœur des béninois, qui l’ont triomphalement porté aux commandes de leur destin.

 Pendant deux lunes environ, les effigies du couple présidentiel étaient hardiment comparées à celle de Barack et de Michèle,  l’élégance et la prestance du tout nouveau président étaient béatement admirées et c’est le cœur battant la chamade que les béninois bavaient en tournant leurs désirs (comme le veux la bible) vers NOTRE président.

Puis tout à coup, comme dans le conte populaire, les cheveux blancs de la nouvelle mariée repoussèrent bien vite. Déguerpissements brutaux de la voie publique, chasse aux supposés trafiquants de drogue, tentative de révision de la constitution, etc.  Les frasques du nouvel époux ont bien vite fait de sonner le début de la lune de fiel. Désormais, entre Patrice Talon et les béninois, la guerre est déclarée. Et nous livre désormais chaque semaine de nouvelles scènes qui secouent le toit depuis la cuisine au portail en passant par l’arrière-cour.
Mais au-delà du vaudeville du couple en mal de sensations et asservi aux scènes de ménage spectaculaires, que devra retenir le béninois quand aux quatre années à venir ?

A coup sûr, la politique béninoise est parcourue de remous. D’aucun y voient l’expression pratique d’un « J’aviserai » désormais légendaire? Beaucoup se demandent où va le bateau Bénin, pendant que d'autres se remettent avec plaisir à enfiler leurs gants pour un jeu auquel ils sont bien rompus: la "politicaillerie"

Au-delà de tout, Patrice Talon apportera-t-il à son peuple ce que ce dernier désire au quotidien ???

Ariane Abla Adjolohoun

Six cent ans dans la peau d’un esclave




Pendant presque 600 années consécutives, à partir de 1442, les européens (les portugais en premiers) qui s’étaient détachés du servage pensèrent à l’homme noir comme substitut aux indiens d’Amérique. Dès lors, plusieurs millions de noirs, hommes, femmes et enfants furent capturés, chassés, vendus et achetés comme des marchandises destinées à féconder les terres des colons dans les îles …..Il fallait bien que le sucre soit produit ! C’est donc à ce prix (merci Voltaire) que les européens mangèrent du sucre, fumèrent et chiquèrent du tabac pendant des siècles. En échange, les nôtres (rois, chefs, pères de famille), appâtés par des produits désormais nécessaires pour eux : verroterie, armes à feu, liqueurs, tissus, etc chassaient et livraient tribus rivales, frères, sœurs et fils. Sur les sentiers sciant la forêt africaine, tout comme sur les bateaux négriers, les esclaves noirs étaient transportés dans des conditions déplorables. Il fallait dans un minimum d’espace faire tenir un maximum de marchandise vivante, pensante et croyante. Le taux de mortalité étant de 10 % à 20 %, avec des pics à 40 %. Ceux qui mourraient en mer étaient jetés par-dessus bord. Ceux qui parvenaient à destination connaissaient un autre enfer sous les coups de fouets, qui nuit et jour punissait les captifs.

L’histoire est bien connue, je ne vous ferai pas l’injure de vous l’apprendre. Cependant, qui de nous saura jamais ce qu’est le poids des chaînes, la morsure brûlante des fers dans la chair, le bâillon à l’armature de fer destiné à empêcher la voix des esclaves rebelles de sortir de leur gorge. Mais par-dessus tout, comment raconter la douleur de se voir ramener au rang de bête, dépouillé de tout honneur, de toute dignité, abandonné du ciel et des hommes.
 L’esclave ne possédait rien, ni femme, ni enfant et lui-même ne s’appartenait pas. La femme esclave moins que jamais ne possédait pas son corps ni les fruits de son corps. La fierté de l’homme nègre s’est courbée devant la loi du plus fort, non seulement physiquement, mais aussi moralement. Combien de fois ne durent-ils appeler à la rescousse un Dieu qui lui-même semblait les avoir abandonnés…
Le Pape Nicolas V légalisera bien vite la première vente d’esclave de la traite transatlantique qui eut lieu en 1444à Lagos (ville du Portugal) et Louis XIV, soucieux de son titre de roi soleil, commanda la rédaction de l’ignominieux et hypocrite document destiné à donner un semblant de justice et d’équité à ce commerce ; document connu sous le nom de Code Noir. Un document destiné à montrer une image des français soucieux de l’humanité où hypocrisie et contradiction flagrante font rire et pleurer à la fois le lecteur.

Ce jour décrété par l’ONU comme la journée internationale de souvenir des victimes de l'esclavage et de la traite transatlantique fait partie des nombreux jours destinés à se rappeler les héros connus ou méconnus, les victimes, leurs vendeurs, acheteurs et exploiteurs.
Souvenons-nous
À travers les multiples mémoriaux jonchant la planète : l’Arche du retour à l’ONU, la Porte du Non-Retour à Ouidah au Bénin, le mémorial de l’esclavage à Zanzibar, la liste est longue.
Mais c’est dans nos cœurs et nos esprits que le souvenir se doit de rester vivace. Nous avons vendu et avons été vendus. Nous avons été chassés et capturés. Nous avons été achetés. Nous avons été torturés, violées, mutilés, au nom du développement d’autres nations.
Je pense à nos pères et frères esclaves. Je pense à nos mères vendues. Je m’imagine et j’écoute la chanson éwé : « Je viens de Tchamba. J’ai presque oublié ma langue. Et personne ici ne la parle. Je viens de si loin… Je viens de Tchamba… ».


A suivre

Ariane Abla Adjolohoun

Célébrer l'amour?




C'est la St Valentin! Sortez vos cœurs, astiquez-les pour qu'ils brillent de mille feux... Les vitrines, comme toujours, à l'affût de toutes occasions de vente, se sont vêtues de rouge et de blanc depuis plusieurs jours. A la fête de l'amour, il ne manque que les acteurs principaux.
Ils entreront en scène sûrement ce soir. C'est le cas dans nos sociétés depuis quelques années. Ceux qui n'auront pas trouvé le ou la partenaire d'un jour se croiront les plus malheureux. Parce que déjà formatés par une vision tordue de la réalité, véhiculée par tous les canaux du 21ème siècle. Des restaurants chics aux ruelles les plus douteuses, des couples plus ou moins assortis se tiendront les mains, se diront mille mots doux. Certains mettront un point d'honneur à couronner leur célébration par une dégustation sexuelle. Le romantique est maître.
Mais, à l'issue de ce jour, des cœurs seront brisés, des vies aussi peut être. Des jeunes filles verront le voile de leurs ailes partir en fumée et le fils du voisin ira peut être passer trois mois en prison parce qu'il a volé un téléphone portable pour l'offrir à sa dulcinée. Le père de famille respectable sera pris au collet par sa légitime compagne quand il rentrera chez lui après minuit. Car, au jeu de l'amour, nul n'est jamais maître. On le sait.
Je ne me suis jamais résolue à critiquer la st Valentin. Sous l'apparence la plus tortueuse, l'amour peut se révéler plus vrai que vrai; et s'avérer faux sous de belles apparences. Car l'amour est insondable. Jamais ce monstre n'a été dompté. Alors, je tais mes critiques et vous souhaite une bonne fête de l'Amour.
Soyez amoureux de l'amour. Vivez-le quand il naît. Laissez-le mourir quand il s'estompe.
Alors, ne célébrez pas la st Valentin, mais célébrez l'Amour.
Vive l'amour!

Ariane Abla Adjolohoun


Une journée pour les personnes handicapées




Les évènements se déroulent sur une place publique, dans un grand quartier d'une capitale africaine. La foule immense s'est attroupée pour admirer un artiste populaire. Il y a en fait deux artistes, mais seul l' un des deux fascine. L'homme est jeune, beau, musclé, il n'a pas de jambes. C'est un tronc. Mais un tronc agile et respirant la joie de vivre. Le jeune homme se moque de son handicap. J' essaie juste d' imaginer ce qu'il a dû essuyer comme rebuffades, affronts et injures depuis peut être sa naissance ou cet accident qui l'a transformé en tronc.
Je m' extasie devant le courage et la hauteur de cet homme. Mais j'ai dû aller trop vite en besogne. Tout a coup, l' artiste de rue s' ébranle vers un duo de jeunes femmes, grimpe en un clin d' œil sur l'auto sur laquelle elles se sont accolées pour mieux profiter du spectacle, en saisit une par la taille, la retourne en un tour de main et mime sur les reins de sa «proie» un acte sexuel sous les cris de la foule. L' homme est déchaîné, et fera une bonne demi douzaine de «victimes» complices pour la plupart... La vidéo elle, est devenue virale.
Je m' abîme dans de profondes réflexions:

- Une personne handicapée a-t-elle le droit d' exhiber ainsi son handicap? A cette question, répond une autre, réplique cinglante: «Aurait-on fait le même reproche a une personne non-handicapée?»
Je reconnais que répondre de façon croisée a ces deux questions est un véritable brainstorming.

 En attendant que nous trouvions ensemble les réponses, je vous invite a penser à ces enfants nés sans bras ni jambes en 2016. A ce petit garçon de 4 ans qui courageusement gambade auprès de sa mère, sa jambe manquante remplacée par une béquille de fortune sûrement fabriquée par le menuisier du quartier contre deux ou trois pièces argentées difficilement gagnées par la mère; car où aurait-elle trouvé les moyens de se procurer une prothèse, un fauteuil ou autre équipement indispensable a toute personne handicapée? Pensez a Mouna et Rachida, ces deux sœurs de 6 et 10 ans toutes deux sourdes et muettes. A Chantal, qui depuis des années continue de materner avec amour un bébé qui ne pourra jamais s' asseoir seul, manger seul, avoir des rêves.
10 à 15 % de la population mondiale serait handicapée plus ou moins lourdement. En Afrique, les personnes handicapées seraient environ 23 millions. Serait, car beaucoup de tabous entourent encore le handicap autour de nous et reconnaître que l'on a un enfant handicapé est pour beaucoup de personnes, reconnaître que la malédiction a frappé à leur porte. Joël, garçon sourd muet de 8 ans a reçu une gifle pour avoir joué avec son ami Jean. La mère de Jean l'a accusé de vouloir contaminer son fils. 

En cette journée internationale des personnes handicapées, quel engagement prenons nous? Que pouvons-nous, chacun de notre côté, pour les personnes handicapées? Afin qu'elles jouissent des mêmes droits à la dignité, au respect, a la scolarisation, aux soins que nous?
Je ne parle point ici de la pièce de monnaie, mais de véritable don. Le don de soi, de son temps, de son savoir, pour la cause de ceux que notre société oblitère.
Je ne souhaiterai pas une «bonne fête» a toutes les personnes handicapées.
Faisons plutôt de chacune de leurs journées une journée comme celle de tout autre être humain.

Ariane Abla Adjolohoun